Sans abris : la promesse démago du Président arrive a échéance !
Un petit évènement médiatique qui fait ressurgir un dossier de la plus haute importance républicaine : l'aide aux sans abris. Petite analyse de ce qui s'est passé, hier soir, sur le plateau de Béatrice Schoenberg.
Le 15 octobre 2008 : Débat et passe d'armes entre Mme Christine Boutin (Ministre du Logement) et M. Augustin Legrand (Don Quichotte)
envoyé par pierif
envoyé par inet
Le choix de Christine Boutin au Ministère du Logement s'explique avant tout par ses prises de positions politiques favorables au droit au logement opposable. Elle avait été, en effet, l'une des seules, à droite, à formuler une proposition de loi en ce sens le 28 septembre 2005 - proposition de loi demeurée sans suite à l'époque (malgré quelques petites expérimentations volontaires, hélas vaines, menées au début de l'année 2006 dans certaines collectivités locales). Toutefois, face à la très forte mobilisation des associations impliquées durant l'hiver 2006, le Gouvernement et le Président Chirac cèdent enfin, et une loi est votée (la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite "Loi DALO"). C'est donc relativement logique que Christine Boutin ait été choisie par le nouveau Président de la République pour assurer le suivi et la mise en place de ce texte.
Que dit la "Loi DALO" ?
Pour pouvoir bénéficier du droit à un logement décent et indépendant garanti par l'État, il faut en premier lieu etre de nationalité française, ou résider sur le territoire français de façon régulière et dans les conditions de permanence qui seront définies par décret, ne pas avoir les moyens et les ressources pour accéder et se maintenir dans un logement décent et indépendant (ce qui concerne environ 1.700.000 personnes) et avoir déposé une demande de logement social (HLM) et disposer d'une attestation d'enregistrement départementale de cette demande.
Celui qui remplit ces conditions doit alors formuler une demande - soit d'obtention d'un logement, soit d'accès à un hébergement dans une structure adaptée de transition - auprès du Secrétariat de la Commission de médiation du droit au logement de son département. Cette dernière répond nécessairement dans un délai de 3 mois au plus pour une demande de logement, de 6 semaines au plus pour une demande d'hébergement, en indiquant si elle considère ou non le demandeur comme prioritaire (avec justification des motifs). Dans le cas où le demandeur est considéré comme prioritaire, et s'il n'a pas obtenu de proposition de logement ou d'hébergement, il pourra - à partir du 1er décembre 2008 - saisir le Tribunal administratif pour faire valoir son droit au logement opposable.
Ou en est on aujourd'hui ?
Les chiffres ne sont pas bons. Ainsi, à Paris, sur 7200 demandes déposées, seules 10 familles ont été effectivement relogées. Cet énorme décalage se rencontre dans les autres départements d'Ile-de-France, et il y a tout lieu de penser que la situation sera la meme sur l'ensemble du territoire. Autant dire que les Tribunaux administratifs vont etre innondés de recours contentieux !!
Alors ou est le "bug" ?
C'est très simple : la demande est considérable tandis que l'offre de logement et d'hébergement est très faible. C'est une surprise pour personne, et c'est du reste la raison pour laquelle la déclaration du candidat Sarkozy en décembre 2006 n'était pas anodine : elle indiquait explicitement que le Président en devenir avait un plan "détonnant" permettant, en 2 ans de temps, de combler les insuffisances abyssables d'offre de logement... en tout cas, une partie de son électorat l'a cru.
Car en fait, nous n'avons jamais vu l'once d'un début de plan "détonnant".
1 - Les moyens mobilisés sont très en-deça du niveau requis si l'on veut effectivement pouvoir offrir un logement décent à tous les sans-abris qui en font légitimement la demande. La loi de Finances pour 2008 a certes mis 7 milliards d'euros sur la table (tous crédits confondus), ce qui est non seulement dérisoire par rapport à l'argent public mobilisable débloqué par le Gouvernement pour sauver les banques (mais passons...), mais qui est surtout, en soi, insuffisant pour remplir ne serait-ce que les objectifs fixés : ainsi, pour 2007, l'objectif était de construire 9000 places en maisons relais, il n'y en a eu que finalement qu'environ 2700 ; l'objectif était de créer 1500 places en logis-relais, il n'y en a eu finalement moins de 10% ; l'objectif était d'affecter 7000 logements aux travailleurs pauvres, il n'y en a eu moins de 500...
Quand on sait, en plus, que la Loi de Finances pour 2009 réduit les crédits par rapport à 2008... l'on est vraiment loin du compte. Pour le collectif des associations unies, qui sont parties prenantes au très officiel "Comité de suivi du droit au logement opposable" :
"(...) le projet de loi de finances publié le 26 septembre 2008 prévoit en fait, pour la période 2009-2011, des dotations en forte baisse, avec des autorisations d’engagement de 7,6 milliards d’euros pour 2009 au lieu de 8, 7 Milliards en 2008, les crédits destinés au logement social passant notamment de 800 millions d’euros à 550 millions d’euros alors même que la construction de logements sociaux et très sociaux accuse déjà en 2008 un retard significatif par rapport aux objectifs gouvernementaux.
Les besoins en logements sont considérables, en particulier, les besoins en vrais logements locatifs sociaux (financement PLAI), indispensables pour loger les familles les plus défavorisées économiquement. (La crise financière actuelle ne peut, hélas, que provoquer l’accroissement de leur nombre.) Un obstacle majeur à leur réalisation provient de la faible participation de l’État au financement de tels logements.
Pour répondre à l’obligation de résultat, instituée par la loi DALO, au lieu de diminuer la part de son budget consacré au logement, l’État, seul garant du droit au logement, doit donc, au contraire, s’y réengager fortement.
Les prélèvements devant intervenir sur les fonds du 1% ne dégageront pas de moyens supplémentaires pour le logement et ne constitueront qu’une compensation optique au désengagement du budget de l’Etat."
2 - Mais la problématique est loin d'etre uniquement financière. Elle est avant tout de faire bouger l'administration, obtenir les autorisations de construction, arracher les chiffres officiels pour faire l'état des lieux... bref, s'assurer de la volonté politique et technique des acteurs pour combattre efficacement contre ce fléau social.
Voici une interview d'Augustin Legrand chez Ruquier l'année dernière, où le responsable des "Enfants de Don Quichotte" explique parfaitement les difficultés qu'il rencontre au quotidien pour avancer dans ce qui est aujourd'hui, selon les termes de François Fillon, "un grand chantier prioritaire de la République".
1 - En s'engageant publiquement - alors que personne ne le lui demandait - à ce que plus personne ne soit obligée de dormir dans la rue en décembre 2008, le candidat Sarkozy a soit délibérement menti pour surfer sur la vague médiatique de l'époque, soit (ce qui est plus grave encore) parfaitement sous-estimé l'ampleur des difficultés financières, techniques et politiques du dossier des sans-abris.
Le gros "hic", c'est que les plus démunis de nos concitoyens l'ont cru, parce qu'ils avaient besoin de le croire, et parce qu'il est indispensable que de tels engagements soient dis et tenus dans une République qui se veut digne de la confiance de ces citoyens s'agissant de son action sociale.
2 - Les moyens financiers et politiques mis en oeuvre par le gouvernement depuis 2007 sont non seulement insuffisants, mais sont indignement réduits alors meme que l'on est capable de mettre le paquet comme jamais dans l'Histoire de notre pays pour sauver le système bancaire.
En d'autres termes, la lutte contre la pauvreté n'est pas une priorité absolue pour notre Gouvernement. Or tant que l'on continuera à considérer que la pauvreté est un enjeu annexe, ou en tout cas moins important que la bonne santé financière de notre système économique, l'on ne progressera qu'à pas de puce dans la lutte contre la Misère.
Oui ! Gouverner, c'est faire des choix. Oui ! C'est indispensable de sauver le système financier pour éviter que des millions de Français basculent, à terme, dans la grande précarité. Mais oui ! La lutte contre la pauvreté est une priorité au moins aussi importante que le sauvetage de nos banques. Elle nécessite la meme capacité de mobilisation que celle que nous avons connu ces dernières semaines, pour la finance internationale.
3 - L'implication personnelle de Mme Boutin n'est pas, en soi, une source de polémique. Elle n'est qu'une Ministre qui fait avec le cadre que l'on lui donne au niveau de Matignon et de l'Elysée. Elle pourrait avoir toute la meilleure volonté du monde, si elle n'a pas les marges de manoeuvre suffisante pour réussir, elle échouera... ou devra en tout cas se contenter de très maigres progrès.
En revanche, ce qui est certain, c'est que si Mme Boutin considère, comme elle le fait, que la promesse du Président de la République est depuis l'origine intenable (et donc démagogique) ; si elle prend acte du fait qu'on ne lui donne pas les moyens suffisants pour mener à bien sa mission ; si elle croit intimement que la lutte contre la pauvreté et le phénomène des sans-abris est un enjeu IMPERATIF qui ne peut se satisfaire d'un maigre saupoudrage budgétaire..... alors elle doit DEMISSIONNER.
Si Mme Boutin ne démissionne pas, alors elle se rend solidaire et complice de la politique qui est fixée par le Président et Matignon... et dès lors, elle doit etre interpellée comme le fait Augustin Legrand dans la première vidéo de ce post.
Y'en a marre, dans ce pays, des ministres "Caliméro" qui pleurnichent dans les médias qu'ils font le maximum mais qu'ils sont malgré tout et malgré eux incapables de faire leur job. Un peu de courage, bon sang ! Défendez vos convictions si elles sont baffouées, trahies ou handicapées par des promesses présidentielles démago ! Ayez la décence de respecter les seules vraies douleurs, les seuls vrais désespérances qui sont celles des victimes de la pauvreté ! Vos petites tracasseries intra-gouvernementales sont insignifiantes !
Il est temps que la France, les citoyens comme les élus, tapent enfin du poing sur la table pour dénoncer, avec force et avec colère, l'indifférence avec laquelle ceux qui sont au pouvoir abusent de la confiance que leur accordent les plus précaires d'entre nous !
CA SUFFIT ! Et heureusement qu'il y a des Augustin Legrand pour le dire au nom de nous tous, tant pis si cela heurte la communication de notre Ministre du Logement.
A-t-elle seulement un plan d'action efficace en projet ?? Non. Non. Encore non. Toujours non.