Sans abris : la promesse démago du Président arrive a échéance !

Publié le par Benoit PETIT




Un petit évènement médiatique qui fait ressurgir un dossier de la plus haute importance républicaine : l'aide aux sans abris. Petite analyse de ce qui s'est passé, hier soir, sur le plateau de Béatrice Schoenberg.


Le 15 octobre 2008 : Débat et passe d'armes entre Mme Christine Boutin (Ministre du Logement) et M. Augustin Legrand (Don Quichotte)





Augustin Legrand a parfaitement raison de rappeler le Gouvernement à ses engagements de campagne. Car le candidat Nicolas Sarkozy avait effectivement déclaré, le 18 décembre 2006 (en pleine manifestation des SDF au Canal Saint-Martin), qu'il voulait qu'en décembre 2008, plus personne ne soit obligé de dormir dans la rue... Il aurait pu ne pas donner une échéance précise, mais le fait qu'il le fasse, avec autant de ferveur dans le discours, est bien un engagement, un objectif qu'il fixait à son action en cas d'élection :

 


Seulement voila, une fois l'élection acquise, les choses se sont moins bien passées que ce que les discours de campagne laissaient entrevoir. Durant l'hiver 2007, les associations impliquées dans le combat pour le logement ont tenté de sensibiliser l'opinion publique sur le fait que le Gouvernement ne s'engageait pas à la hauteur de ses promesses. Les CRS ont été envoyés pour "rétablir l'ordre", et si l'on peut effectivement abonder dans le sens des déclarations de Mme Boutin à l'époque, qui disait que le lieu retenu pour la mise en place de nouvelles tentes présentait des dangers de sécurité (argument valable), cela n'enlevait rien ni à la force du message des associations mobilisées, ni au caractère indigne et scandaleux de la façon avec laquelle les manifestants ont été déboutés par les forces publiques.




A la décharge de Mme Boutin, il faut bien reconnaitre que le Ministère du Logement n'est pas le portefeuille ministériel le plus façile à assumer. Faisons donc un petit retour en arrière sur l'action de notre Ministre depuis qu'elle a été nommée :

Le choix de Christine Boutin au Ministère du Logement s'explique avant tout par ses prises de positions politiques favorables au droit au logement opposable. Elle avait été, en effet, l'une des seules, à droite, à formuler une proposition de loi en ce sens le 28 septembre 2005  - proposition de loi demeurée sans suite à l'époque (malgré quelques petites expérimentations volontaires, hélas vaines, menées au début de l'année 2006 dans certaines collectivités locales). Toutefois, face à la très forte mobilisation des associations impliquées durant l'hiver 2006, le Gouvernement et le Président Chirac cèdent enfin, et une loi est votée (la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite "Loi DALO"). C'est donc relativement logique que Christine Boutin ait été choisie par le nouveau Président de la République pour assurer le suivi et la mise en place de ce texte.


Que dit la "Loi DALO" ?

Pour pouvoir bénéficier du droit à un logement décent et indépendant garanti par l'État, il faut en premier lieu etre de nationalité française, ou résider sur le territoire français de façon régulière et dans les conditions de permanence qui seront définies par décret, ne pas avoir les moyens et les ressources pour accéder et se maintenir dans un logement décent et indépendant (ce qui concerne environ 1.700.000 personnes) et avoir déposé une demande de logement social (HLM) et disposer d'une attestation d'enregistrement départementale de cette demande.

Celui qui remplit ces conditions doit alors formuler une demande - soit d'obtention d'un logement, soit d'accès à un hébergement dans une structure adaptée de transition - auprès du Secrétariat de la Commission de médiation du droit au logement de son département. Cette dernière répond nécessairement dans un délai de 3 mois au plus pour une demande de logement, de 6 semaines au plus pour une demande d'hébergement, en indiquant si elle considère ou non le demandeur comme prioritaire (avec justification des motifs). Dans le cas où le demandeur est considéré comme prioritaire, et s'il n'a pas obtenu de proposition de logement ou d'hébergement, il pourra - à partir du 1er décembre 2008 - saisir le Tribunal administratif pour faire valoir son droit au logement opposable. 


Ou en est on aujourd'hui ?


Les chiffres ne sont pas bons. Ainsi, à Paris, sur 7200 demandes déposées, seules 10 familles ont été effectivement relogées. Cet énorme décalage se rencontre dans les autres départements d'Ile-de-France, et il y a tout lieu de penser que la situation sera la meme sur l'ensemble du territoire. Autant dire que les Tribunaux administratifs vont etre innondés de recours contentieux !!

Alors ou est le "bug" ?

C'est très simple : la demande est considérable tandis que l'offre de logement et d'hébergement est très faible. C'est une surprise pour personne, et c'est du reste la raison pour laquelle la déclaration du candidat Sarkozy en décembre 2006 n'était pas anodine : elle indiquait explicitement que le Président en devenir avait un plan "détonnant" permettant, en 2 ans de temps, de combler les insuffisances abyssables d'offre de logement... en tout cas, une partie de son électorat l'a cru.

Car en fait, nous n'avons jamais vu l'once d'un début de plan "détonnant".

1 - Les moyens mobilisés sont très en-deça du niveau requis si l'on veut effectivement pouvoir offrir un logement décent à tous les sans-abris qui en font légitimement la demande. La loi de Finances pour 2008 a certes mis 7 milliards d'euros sur la table (tous crédits confondus), ce qui est non seulement dérisoire par rapport à l'argent public mobilisable débloqué par le Gouvernement pour sauver les banques (mais passons...), mais qui est surtout, en soi, insuffisant pour remplir  ne serait-ce que les objectifs fixés : ainsi, pour 2007, l'objectif était de construire 9000 places en maisons relais, il n'y en a eu que finalement qu'environ 2700 ; l'objectif était de créer 1500 places en logis-relais, il n'y en a eu finalement moins de 10%  ; l'objectif était d'affecter 7000 logements aux travailleurs pauvres, il n'y en a eu moins de 500...
Quand on sait, en plus, que la Loi de Finances pour 2009 réduit les crédits par rapport à 2008... l'on est vraiment loin du compte. Pour le collectif des associations unies, qui sont parties prenantes au très officiel "Comité de suivi du droit au logement opposable" :

"(...) le projet de loi de finances publié le 26 septembre 2008 prévoit en fait, pour la période 2009-2011, des dotations en forte baisse, avec des autorisations d’engagement de 7,6 milliards d’euros pour 2009 au lieu de 8, 7 Milliards en 2008, les crédits destinés au logement social passant notamment de 800 millions d’euros à 550 millions d’euros alors même que la construction de logements sociaux et très sociaux accuse déjà en 2008 un retard significatif par rapport aux objectifs gouvernementaux.

Les besoins en logements sont considérables, en particulier, les besoins en vrais logements locatifs sociaux (financement PLAI), indispensables pour loger les familles les plus défavorisées économiquement. (La crise financière actuelle ne peut, hélas, que provoquer l’accroissement de leur nombre.) Un obstacle majeur à leur réalisation provient de la faible participation de l’État au financement de tels logements.

Pour répondre à l’obligation de résultat, instituée par la loi DALO, au lieu de diminuer la part de son budget consacré au logement, l’État, seul garant du droit au logement, doit donc, au contraire, s’y réengager fortement.

Les prélèvements devant intervenir sur les fonds du 1% ne dégageront pas de moyens supplémentaires pour le logement et ne constitueront qu’une compensation optique au désengagement du budget de l’Etat."

 
2 - Mais la problématique est loin d'etre uniquement financière. Elle est avant tout de faire bouger l'administration, obtenir les autorisations de construction, arracher les chiffres officiels pour faire l'état des lieux... bref, s'assurer de la volonté politique et technique des acteurs pour combattre efficacement contre ce fléau social.

Voici une interview d'Augustin Legrand chez Ruquier l'année dernière, où le responsable des "Enfants de Don Quichotte" explique parfaitement les difficultés qu'il rencontre au quotidien pour avancer dans ce qui est aujourd'hui, selon les termes de François Fillon, "un grand chantier prioritaire de la République".


Quelles conclusions tirer de tout cela ?

1 - En s'engageant publiquement - alors que personne ne le lui demandait - à ce que plus personne ne soit obligée de dormir dans la rue en décembre 2008, le candidat Sarkozy a soit délibérement menti pour surfer sur la vague médiatique de l'époque, soit (ce qui est plus grave encore) parfaitement sous-estimé l'ampleur des difficultés financières, techniques et politiques du dossier des sans-abris.

Le gros "hic", c'est que les plus démunis de nos concitoyens l'ont cru, parce qu'ils avaient besoin de le croire, et parce qu'il est indispensable que de tels engagements soient dis et tenus dans une République qui se veut digne de la confiance de ces citoyens s'agissant de son action sociale.

2 - Les moyens financiers et politiques mis en oeuvre par le gouvernement depuis 2007 sont non seulement insuffisants, mais sont indignement réduits alors meme que l'on est capable de mettre le paquet comme jamais dans l'Histoire de notre pays pour sauver le système bancaire.
En d'autres termes, la lutte contre la pauvreté n'est pas une priorité absolue pour notre Gouvernement. Or tant que l'on continuera à considérer que la pauvreté est un enjeu annexe, ou en tout cas moins important que la bonne santé financière de notre système économique, l'on ne progressera qu'à pas de puce dans la lutte contre la Misère.

Oui ! Gouverner, c'est faire des choix. Oui ! C'est indispensable de sauver le système financier pour éviter que des millions de Français basculent, à terme, dans la grande précarité. Mais oui ! La lutte contre la pauvreté est une priorité au moins aussi importante que le sauvetage de nos banques. Elle nécessite la meme capacité de mobilisation que celle que nous avons connu ces dernières semaines, pour la finance internationale.

3 - L'implication personnelle de Mme Boutin n'est pas, en soi, une source de polémique. Elle n'est qu'une Ministre qui fait avec le cadre que l'on lui donne au niveau de Matignon et de l'Elysée. Elle pourrait avoir toute la meilleure volonté du monde, si elle n'a pas les marges de manoeuvre suffisante pour réussir, elle échouera... ou devra en tout cas se contenter de très maigres progrès.

En revanche, ce qui est certain, c'est que si Mme Boutin considère, comme elle le fait, que la promesse du Président de la République est depuis l'origine intenable (et donc démagogique) ; si elle prend acte du fait qu'on ne lui donne pas les moyens suffisants pour mener à bien sa mission ; si elle croit intimement que la lutte contre la pauvreté et le phénomène des sans-abris est un enjeu IMPERATIF qui ne peut se satisfaire d'un maigre saupoudrage budgétaire..... alors elle doit DEMISSIONNER.
Si Mme Boutin ne démissionne pas, alors elle se rend solidaire et complice de la politique qui est fixée par le Président et Matignon... et dès lors, elle doit etre interpellée comme le fait Augustin Legrand dans la première vidéo de ce post.

Y'en a marre, dans ce pays, des ministres "Caliméro" qui pleurnichent dans les médias qu'ils font le maximum mais qu'ils sont malgré tout et malgré eux incapables de faire leur job. Un peu de courage, bon sang ! Défendez vos convictions si elles sont baffouées, trahies ou handicapées par des promesses présidentielles démago !  Ayez la décence de respecter les seules vraies douleurs, les seuls vrais désespérances qui sont celles des victimes de la pauvreté ! Vos petites tracasseries intra-gouvernementales sont insignifiantes !

Il est temps que la France, les citoyens comme les élus, tapent enfin du poing sur la table pour dénoncer, avec force et avec colère, l'indifférence avec laquelle ceux qui sont au pouvoir abusent de la confiance que leur accordent les plus précaires d'entre nous !

CA SUFFIT ! Et heureusement qu'il y a des Augustin Legrand pour le dire au nom de nous tous, tant pis si cela heurte la communication de notre Ministre du Logement.




Pour rappel et information.... la problématique des sans-abris, les comportements indignes de nos élus, le scandal de la République.... ca se passe aussi a Aix-en-Provence. Quand Madame Joissains va-t-elle rendre des comptes précis sur son bilan en la matière ?? Elle qui est si prompte à faire des procès aux plus démunis, à stigmatiser des associations qui se battent pour la dignité la plus élémentaire des Hommes, à se jeter sur le premier journaliste venu pour communiquer faussement sur sa soi-disant "fibre sociale"... QU'A T ELLE FAIT POUR TENIR LA PROMESSE ELECTORALE DE NICOLAS SARKOZY, depuis 2002 qu'elle est en poste à la Mairie ??

A-t-elle seulement un plan d'action efficace en projet ?? Non. Non. Encore non. Toujours non.




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E
bonsoir  pourquoi ne pas  permettre à ses  citoyens sans abris  d avoir  un  toit  à la campagne dans ses departements sous  peuplés  creuse  par exemple ?plutot que de rester entassés à Paris  où le logement  est  crucial ? 
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L
Pas une ombre entre vous et moi sur ce dernier commentaire d'un point de vue théorique.Dans l'application des faits, c'est différent puisque stratègiquement Me Boutin occupe une place de ministre FRS ( son parti affilié à l'UMP ).Elle marque Mr Sarkosy à la culotte quand cela est nécessaire même si par ailleurs c'est vrai que ça marge de manoeuvre reste étroite.Sans perdre de vue les grands idéaux , comme celui d'une cause humanitaire élémentaire, on se rend vite compte que l'application sur le terrain est restreinte le plus souvent par manque de moyens.Dans mon commentaire précédent , je disais mon inquiètude par rapport à une répression dans pourrait faire usage l'imprévisible Sarkosy.Je voudrais à présent mettre en garde contre une révolte excitée par des injustices par rapport à des promesses non tenues.Je crois que les solutions à trouver sont du coté d'une complémentarité avec les organismes privés : croix rouge, secours populaire, secours catho, restos etc...C'est déjà le cas depuis des lustres...mais je crois qu'il faut encourager encore les initiatives privées.Les Français ont toujours montré une générosité quand il le fallait.Ne sous estimez pas votre influence , y compris à Cap 21.cordialement
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B
Peu importe, quelque part, la personne d'A. Legrand. Le problème est ailleurs : soit l'on continue à considérer la pauvreté comme un sujet certes dramatique, mais annexe dans les priorités politiques, soit l'on considère qu'elle est le sujet numéro 1 autour duquel l'on mobilise toutes nos forces, publiques et privées. Je regrette que nous fassions toujours le choix de la première solution, qui conduit à faire systématiquement du saupoudrage de mesures et de moyens, pire encore, à réduire les budgets consacrés par rapport aux années précédantes.C'est la seule vraie critique que j'adresse à Mme Boutin, finalement : si elle est véritablement engagée dans la lutte contre la pauvreté, comme elle semble le dire dans sa communication politique, alors elle doit user de sa position de Ministre (pas des moindres, vous en conviendrez) pour dénoncer l'absence d'engagement politique de la France sur ce dossier... elle doit démissionner pour créer une prise de conscience collective de grande ampleur. Ce qu'elle ne fait pas.Je veux bien admettre le fait que l'on cherche, en étant Ministre, à faire du mieux possible dans le cadre que l'Etat impose... c'est honorable. Mais ce faisant, l'on justifie la politique de l'Etat dans sa globalité... or c'est cette politique globale qui est en cause. A un moment donné, il faut choisir : ou bien l'on fait de son mieux dans un système qui ne permet pas de faire grand chose ; ou bien l'on dénonce le système pour en imposer un autre, plus ambitieux et plus efficace. Question de choix politique, qui n'est ni de droite, ni de gauche. Et très franchement, il me semble que le discours de l'Abbé Pierre ne disait rien d'autre que cela.
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L
J'ai aimé la justesse des propos de Zemmour dans la vidéo que vous avez jointe.A Legrand a fort bien repris en main ce noble combat qu'est la défense des sans abris.Je fais moi même partie d'une association au service des gens de la rue.Il semble cependant que Mr Legrand s'emporte un peu trop alors qu'on aurait pu attendre de lui qu'il coopère.Ce combat ne mérite pas qu'on y mèle des propos partisans même sous-jacents.L'abbé Pierre mérite bien un successeur ; je doute qu'il puisse être Mr Legrand.Mais pour aller plus loin dans l'analyse, je crois qu'il ne faut pas craindre de déranger Me Boutin en ce qui concerne les gens de la rue à condition que ce ne soit pas dans l'agressivité ; dossiers à l'appui.Je crois qu'il faut prendre en compte dés cette année le risque supplémentaire qu'encourrent les gens de la rue par rapport à la nouvelle loi qui autorise les municipalités à s'équiper en taser.Il est aisé de chasser des personnes de la rue , parfois ivres et agressives avec cet engin de malheur.Je dis cela parce que je sais que la répression est à l'esprit de nombreux élus.<br /> Nous pouvons compter sur Me Boutin pour que de tels agissements ne deviennent pas nationaux.En revanche, il faudrait au plus vite dénoncer les villes où cela pourrait se pratiquer; soyons bien vigilants !Vous avez raison de rappeler qu'une véritable lecture ( à titre privé ! ) ne peut jamais encourager des actes contraires à l'inhumanité.bien cordialement
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B
Et alors ? Est-ce que le fait que les convictions politiques (supposées par vous) d'Augustin Legrand seraient d'extreme-gauche {vive le mythe du péril rouge} enlève la justesse et l'importance du combat qu'il mène ?? J'ai du mal comprendre le sens des Evangiles (et oui, je les ai lues). Vous m'avez habitué à des commentaires un peu plus judicieusement fondés...
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