Sophie Joissains au Sénat ? L'amie des lobbies anti-culture (loi "Création et internet" contre les internautes)

Publié le par Benoit PETIT



Dessin de "Luz"



1. Sophie Joissains vient de faire ses premiers pas au Sénat (très gros soupir de résignation) en présentant, devant la Haute assemblée, au nom de son groupe UMP, le projet de loi "Création et Internet" qui se donne pour ambition de lutter contre le téléchargement illicite d'oeuvres artistiques sur la toile (éclats de rire).

En fait (et ce n'est pas une surprise, hélas) Sophie Joissains s'est faite la porte-parole des lobbies de ceux qui profitent grassement du téléchargement illicite, et des Majors qui détruisent sciemment depuis 20 ans la création artistique. Comme d'habitude, celui qui va devoir assumer la responsabilité d'un système défaillant est celui qui n'y est pour rien dans la création de ce système : l'internaute le moins calé en technique.



2. Ce texte repose tout entier sur la mise en cause de la responsabilité des internautes qui téléchargent. En gros, les grandes majors vont désormais payer des sociétés privées pour dépister les "internautes-délinquants". Une fois repérés, ces derniers recevront plusieurs avertissements et mises en demeure avant sanction (ce qui laissera amplement le temps aux GROS "hackers" de redéfinir les conditions de leur anonymat avant d'etre sanctionnés... tandis que les PETITS téléchargeurs, les citoyens lambda qui téléchargent modérément pour leur propre plaisir culturel, seront, eux, sanctionnés, car moins techniciens du net). Le tout sera soit-disant surveillé et régulé par une nouvelle autorité administrative (c'est notre dada, en France, les Hautes Autorités) dont les moyens logistiques, financiers, humains et techniques seront évidemment insuffisants vu l'ampleur du phénomène. Cette loi - qui ne servira concrètement à rien, si ce n'est qu'à sanctionner les "petits" téléchargeurs, les plus démunis au niveau des connaissances techniques de l'internet - est la victoire personnelle de Pascal NEGRE (Universal Music), des Majors du disque, et du lobby qu'ils activent.

Or justement, il aurait été pertinent que nos parlementaires - et Sophie Joissains en tete, puisqu'elle s'est penchée sur ce dossier - s'interrogent sur la responsabilité des Majors du disque dans cette affaire.

Car finalement, qui a réellement tué la création musicale en France, en Europe et dans le Monde, si ce n'est les Majors ? Qui a décidé, dans les années 1990, comme une stratégie de développement économique, d'investir massivement dans la production de groupes qui n'ont aucun intéret artistique ? Les "Boys-band", les "Star Ac'"... bref, la soupe immonde qu'ils osent appeler "musique", ces textes niveau CE1-CE2 qui abrutissent les gens dans un sentimentalisme de pré-adolescent (la "positive attitude", sans doute), ces mauvaises orchestrations, mais aussi ces "looks" marketés, ridicules, qui caricaturent une mauvaise "rebel attitude", ces inombrables articles dans les journaux "people", ces émissions TV à la c... qui nous donnent des over-dose.... Clairement, l'appauvrissement du niveau culturel et artistique de notre création musicale est une stratégie économique mise en oeuvre par les Majors, qui ne cherchent plus à détecter des vrais talents (d'ailleurs, quand ils en trouvent, ils ne les signent pas), et qui préfèrent se rabattre sur le hautement commercial, la niaiserie la plus complète que l'on inocule (meme involontairement) dans les esprits des consommateurs selon la "Méthode Cauet" et les techniques basiques de manipulation psychologique.

Ou sont passés les héritiers de Led Zeppelin, de Janis Joplin, de Tim et Jeff Buckley, de Noir Désir, de Brassens, de Bob et Damian Marley, d'IAM, de Pink Floyd, de Trust... etc.... ? Les Majors sont-elles condamnées à ne produire que des Jennifer, Lorie, What for, Usher, Tokyo Hotel et autres Paris Hilton ?
Pourtant, la création artistique n'a jamais cessé ! En fait, elle s'impose parfois sur la scène justement grace à internet et au téléchargement, au fameux "bouche à oreille" qui fonctionne bien parmi les vrais amateurs de musique (quel que soit le genre musical). Mieux, le téléchargement permet aux générations actuelles, qui s'intéressent vraiment à la musique, de trouver des chefs d'oeuvre aujourd'hui introuvables dans le commerce, mais qui font partie de la Culture universelle et intemporelle : 13th Floor Elevator, Mélanie Safka, the Spirit of John Morgan, Vanilla Fudge, Qicksilver Messenger Service, Sly and the familly Stone, Jethro Tull, Steely Dan... ETC...

Les Majors sont bien mal placées pour reprocher aux internautes d'une part de télécharger des oeuvres de grande qualité qu'elles refusent d'éditer, d'autre part de télécharger gratuitement les morceaux musicaux qu'elles éditent mais qui ne vallent pas un centime d'euro !! Qu'elles assument les conséquences de leurs stratégies économiques !!



3. Pour autant, si les Majors ont commis une faute, ce n'est pas le cas des artistes, musiciens, interprètes, paroliers, compositeurs... et il est exact de dire que le système actuel représente, pour eux, un manque à gagner évident, d'autant plus injuste lorsqu'ils ont un réel talent (et il y en a, malgré tout, heureusement), et d'autant plus grave qu'il est démotivant pour la poursuite de la création.

Mais plutot que de se demander qui gagne moins à cause des internautes, posons nous la question de qui gagne plus grace aux internautes... D'une part, les Fournisseurs d'accès à internet (c'est évident). Mais d'autre part, les industries du secteur de la téléphonie et des services liés (sonneries de portables, vidéos, etc...), les grands médias privés (radio, TV... car le téléchargement permet de mettre en avant des artistes qui alimenteront leurs émissions et leurs programmes), les producteurs de CD vierges et lecteurs MP3, les producteurs de spectacles scéniques....
Bref, que des acteurs économiques qui gagnent ENORMEMENT d'argent sur le dos du téléchargement, et qui pourraient, tout de meme, contribuer financièrement pour compenser intégralement le manque à gagner des artistes !!!

Et bien non. Nos parlementaires (dont les Joissains, mère et fille) viennent de décider de protéger les bénéfices des industriels, de soutenir les stratégies commerciales anti-culturelles des Majors, et de faire racler les citoyens... comme toujours, cela devient une habitude de plus en plus insupportable en France.



Pour aller plus loin :



Voir l'interview (Le Monde, 18 juin 2008)  très pertinente de Christophe Espern,
membre du conseil d'orientation du Forum des Droits sur Internet et fondateur de la Quadrature du Net, un collectif de citoyens et d'associations qui informe sur des projets législatifs menaçant les libertés publiques et le développement économique et social à l'ère du numérique



Souvenez vous.... la politique culturelle des Majors, c'est ça :



Bruno Vandelli dans "Pop Star" (M6 - disques AZ)


pascal Negres'explique sur Gael
envoyé par razmoquets

Star Academy (TF1 - Universal Music)


En leur temps, les "Inconnus" avaient déjà flairé le truc.... Franchement, aujourd'hui, la parodie est devenue une réalité quotidienne




Les Inconnus - Vice et versa
envoyé par schloss33

(Version chantée et sous-titrée, malgré le panneau introductif... régalez vous)






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A
100 pour cent  d'accord avec ce point de vue très jeune et décomplexé de la question quasi-tabou du téléchargement . Mais  le MODEM à t'il la même position libertaire ? Une fois qu'on sera au commandes (!?), quelles marges de manoeuvre pour une loi protegeant les telechargeurs jeunes et curieux; dans une Europe qui veut (grace aux groupes de pression ) aussi se mêler de ça ?
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A
Pour confirmer le sinterrogations (pour ne pas dire plus) de Benoit : http://www.lefigaro.fr/medias/2008/11/01/04002-20081101ARTFIG00037-piratage-les-difficultes-de-la-reponse-graduee-.php
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